Le prix de l’électricité : un enjeu central, aux multiples dimensions.
Le prix de l’électricité n’est pas un simple chiffre inscrit sur une facture : il concentre des enjeux économiques, sociaux, industriels et géopolitiques qui impactent directement la vie des ménages, la compétitivité des entreprises et la souveraineté des nations.
En France comme ailleurs, ce prix résulte d’un mécanisme complexe mêlant :
- Coûts de production (nucléaire, renouvelables, gaz, charbon, hydraulique),
- Coûts d’acheminement et d’entretien des réseaux (TURPE pour RTE et Enedis),
- Fiscalité et contributions (CSPE, TVA, TCFE, etc.),
- Et, depuis la libéralisation et l’intégration au marché européen, les fluctuations des marchés de gros et les règles du prix marginal, souvent liées au gaz ou au charbon.
Pourquoi ce prix est stratégique ?
- Pour les ménages
- Pouvoir d’achat : l’électricité pèse de plus en plus lourd dans le budget des foyers.
- Transition énergétique : le chauffage, la mobilité électrique et l’équipement domestique dépendent d’un tarif accessible.
- Pour les entreprises et l’industrie
- Compétitivité : un prix trop élevé fragilise les industries électro-intensives (aluminium, chimie, acier).
- Localisation des activités : un tarif stable attire ou repousse les investissements.
- Pour l’État et la société
- Politique énergétique : le tarif influence les choix (nucléaire vs renouvelables, autoconsommation, sobriété).
- Justice sociale : il conditionne l’accès universel à l’énergie et peut nécessiter des boucliers tarifaires ou tarifs sociaux.
- Souveraineté : dépendre du marché européen et du gaz rend vulnérable aux crises (comme en 2021-2023).
- Pour l’environnement et l’avenir
- Un prix mal calibré peut freiner les investissements dans les énergies bas carbone.
- Il influence les comportements (efficacité énergétique, autoproduction, électrification des usages).
Ce que cela touche concrètement :
- Les politiques publiques (bouclier tarifaire, régulation du marché, ARENH).
- Les infrastructures (réseaux de transport/distribution, interconnexions européennes).
- Les choix de production (nucléaire, ENR, gaz, stockage).
- Le marché européen de l’énergie et les débats sur sa réforme.
- Les comportements des consommateurs (autoconsommation, sobriété).
- La compétitivité économique et la justice sociale.
« Electricité :D’où vient ta facture, et qui décide du prix du kWh ?
Voici une vue décomposée de ta facture d’électricité (en France, tarif résidentiel) :
💡 1. Ta facture = 3 composantes principales
Composante | Pourcentage moyen | Description |
---|---|---|
Énergie | ~35% | Ce que tu paies pour produire le courant (centrales nucléaires, éoliennes, gaz, etc.). |
Acheminement (TURPE) | ~30% | Transport et distribution (RTE + Enedis) → le “péage” de l’électricité. |
Taxes et contributions | ~35% | TVA, CSPE, CTA, TCFE… une ribambelle de taxes françaises. |
⚙️ 2. Comment est fixé le prix du kWh ?
🏛 Cas du Tarif Réglementé de Vente (TRV) (ex : EDF « Tarif Bleu »)
Fixé par l’État, sur proposition de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE).
Le calcul prend en compte :
- Coût de production (nucléaire, ENR, etc.),
- Accès au réseau (TURPE),
- Charges de service public (CSPE…),
- Marge raisonnable du fournisseur.
💬 Chaque année (voire plusieurs fois), la CRE propose une évolution du tarif selon les coûts constatés → le gouvernement peut valider ou moduler (ex. : bouclier tarifaire en 2022-2023).
🛒 Cas des offres de marché
Fixées librement par les fournisseurs (TotalEnergies, Ohm, Engie, etc.), en se basant sur :
- Le prix du marché de gros (bourse EPEX Spot),
- Le coût d’accès à l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique, à 42 €/MWh),
- Les coûts internes + marge,
- Les taxes, bien sûr.
📉 Exemple concret (2024)
En juillet 2024, pour un foyer résidentiel (6 kVA, option base), le TRV était :
- Abonnement : ~12 €/mois
- Prix du kWh : ~0,25 € TTC
Soit une facture moyenne autour de 1200–1500 €/an pour un foyer tout électrique.
⚠️ Ce qui fait fluctuer le prix :
- 🌍 Marché mondial de l’électricité et du gaz,
- 🔧 Maintenance du parc nucléaire (ou pannes imprévues…),
- ☀️ Production renouvelable (variable),
- 📉 Interventions de l’État (bouclier tarifaire, ARENH…),
- 📈 Inflation et hausse du TURPE.
Marché mondial de l’électricité et du gaz ? nous sommes souverain , nous pourrions décider du tarif ?
Excellente question — et au cœur de toutes les contradictions de la politique énergétique française et européenne. ⚡🇫🇷🇪🇺
🔑 En théorie, oui : la France pourrait décider souverainement du tarif de l’électricité.
Mais en pratique, elle ne le fait plus totalement, à cause de l’intégration au marché européen de l’énergie et des règles de concurrence imposées par l’Union européenne (UE).
⚙️ Ce qu’on pourrait faire si on était totalement souverain
La France produit :
- Environ 90 % d’électricité décarbonée,
- Dont 65 à 70 % nucléaire, à coût très bas et très stable (~42 €/MWh),
- Et a un réseau nationalisé (RTE/Enedis) déjà en place.
Donc techniquement, on pourrait :
- Fixer un prix régulé bas pour les consommateurs,
- Utiliser le nucléaire pour couvrir la base, et
- Ne plus dépendre des fluctuations du marché européen de gros (très volatile, parfois spéculatif).
🚫 Ce qui nous en empêche aujourd’hui
1. 🔄 Le marché européen interconnecté
Depuis 1996, l’UE a mis en place une libéralisation du marché de l’électricité :
- Électricité = une marchandise,
- Fournisseurs = en concurrence,
- Prix = alignés sur le marché de gros européen,
- Même EDF doit vendre une partie de sa production à ses concurrents (ARENH à 42 €/MWh !).
🎯 Résultat : le prix du kWh en France est parfois indexé sur le prix du gaz… alors qu’on n’en a pas besoin pour produire ! 😡
2. 📜 Obligation d’ouverture à la concurrence
L’UE impose que les prix ne soient pas administrés sauf exceptions. Les tarifs réglementés (TRV) sont tolérés mais sous surveillance. L’Espagne ou la France ont déjà été menacées de contentieux pour interventionnisme.
3. 🇪🇺 Règle absurde du “prix marginal”
Le prix de l’électricité sur le marché de gros est déterminé par la dernière centrale appelée (souvent gaz ou charbon).
Donc même si 95 % de l’électricité est nucléaire ou renouvelable → le prix final est aligné sur le gaz quand il est nécessaire pour équilibrer le réseau.
🇪🇸 Contre-exemple : l’Espagne et le Portugal en 2022
Ils ont négocié une dérogation temporaire (« exception ibérique« ) pour décorréler leur prix du gaz → prix de l’électricité plafonné pendant la crise.
Résultat :
- Factures moins élevées,
- Moins de pression sociale,
- Et pourtant, ça n’a pas tué le marché ni les investissements.
🧭 Donc : Peut-on décider du tarif du kWh ?
✅ OUI, si :
- On sort du marché de gros européen OU
- On obtient une dérogation (comme l’Espagne), OU
- On réforme le système européen (ce que Macron et d’autres réclament mollement), OU
- On re-nationalise totalement EDF et sort du dogme de la concurrence (ce que propose LFI, par ex).
❌ Mais NON, tant qu’on reste liés :
- au marché de gros européen (bourse de l’électricité),
- à la logique de privatisation/concurrence dictée par Bruxelles.

Voici une projection comparative du prix moyen TTC du kWh en France selon deux scénarios :
- 🔵 Système actuel (marché européen) : prix soumis à la volatilité du marché de gros (notamment gaz), avec des hausses progressives.
- 🟢 Système souverain (prix administré) : basé sur le coût réel du nucléaire + inflation modérée (pas d’effet du gaz ni de spéculation).
👉 Écart cumulé sur 8 ans : environ 1 000 € de différence pour un foyer moyen (5 000 kWh/an).

Voici la projection avec un troisième scénario intégrant les énergies renouvelables dans un cadre souverain :
🔍 Lecture des scénarios :
- 🔵 Marché UE actuel : prix fluctuant, influencé par le gaz et les marchés de gros.
- 🟢 Système souverain tout nucléaire : prix bas et stable, autour de 0,17–0,19 €/kWh.
- 🟡 Mix souverain nucléaire + ENR :
- Prix un peu plus élevé que le nucléaire seul,
- Mais toujours nettement inférieur au système de marché,
- Stable, car fondé sur des coûts prévisibles (investissements + stockage + intermittence gérée localement).
📌 Conclusion :
- Le système souverain reste moins cher que le système de marché.
- Intégrer les ENR augmente un peu le prix mais renforce :
- la résilience énergétique,
- la décarbonation complète,
- et la souveraineté territoriale.
Pourquoi parle-t-on de “concurrence” sur les ENR ?
Les directives européennes et les États ont imposé que le développement des ENR ne soit pas piloté directement par l’État, mais ouvert à la concurrence :
- Appels d’offres (AO) pour l’éolien, le solaire, le biométhane…
- Les projets sont attribués au plus offrant ou au moins cher,
- Des dizaines de sociétés privées (TotalEnergies, Engie, Voltalia, Iberdrola, Qair, etc.) se positionnent sur des marchés très lucratifs,
- EDF/EDF Renouvelables est mis en concurrence sur le même pied que des opérateurs privés, y compris étrangers.
🧱 2. Les effets pervers de cette mise en concurrence
🪙 a) Priorité au moins cher, pas au plus utile
- Un projet éolien moins coûteux peut être retenu, même s’il est mal situé, difficile à raccorder, ou contesté localement.
- Cela crée un mitage du territoire, des conflits avec les habitants, et des installations mal intégrées.
🧳 b) Concentration capitalistique
- Des fonds d’investissement étrangers (BlackRock, Total, etc.) rachètent des projets, voire des entreprises entières.
- Une partie de la rente échappe au territoire, malgré l’énergie produite localement.
📉 c) Pression sur les tarifs de rachat
- Le système d’appel d’offres fait baisser artificiellement les prix de rachat (ce que l’État paie au producteur),
- Cela fragilise les petits producteurs ou les coopératives citoyennes qui ne peuvent rivaliser avec les gros.
⚠️ d) Perte de vision stratégique
- L’État n’orchestre plus une planification énergétique à long terme, mais gère un patchwork de projets privés.
- Résultat : un développement déséquilibré, souvent peu optimisé.
🌱 3. Les alternatives : ENR comme bien commun
🇩🇪 Exemple de l’Allemagne :
- Fort mouvement de coopératives énergétiques citoyennes,
- Des communes (comme Schönau) gèrent leur propre réseau et production,
- Plus de 40 % de la puissance renouvelable allemande est (ou a été) détenue par des citoyens ou collectivités locales.
🇫🇷 En France : quelques rares cas
- Des projets comme Enercoop, Énergie Partagée, ou des régies locales (ex : Grenoble) développent des ENR hors logique de concurrence capitaliste.
- Mais ils restent marginaux, car exclus de la plupart des gros appels d’offres.
🧭 En résumé :
Modèle actuel (concurrence) | Modèle souverain/co-opératif |
---|---|
Appels d’offres pilotés par prix | Planification basée sur besoins locaux |
Rente pour les gros acteurs | Retombées pour les citoyens et communes |
Fragmentation du réseau | Intégration territoriale et énergétique |
Prix parfois plus bas à court terme | Maîtrise et stabilité à long terme |
Aperçu des coûts de production pour l’électricité éolienne et solaire :
🌬️ Éolien terrestre (onshore)
- En Europe, le coût de production se situe typiquement entre 39 et 83 €/MWh (soit 3,9–8,3 c€/kWh) selon la localisation et la qualité du vent irena.org+15Wikipédia+15geothermies.fr+15.
- En France, selon la CRE (données 2013-2015), les installations nouvellement mises en service ont un coût moyen compris entre 28 et 82 €/MWh (~2,8–8,2 c€/kWh) Commission de régulation de l’énergie.
- Le ministère français de l’Écologie indique un coût d’environ 60 €/MWh (~6 c€/kWh) pour les parcs terrestres actuels Wikipédia+3Ministère de la Transition écologique+3windustry.com+3.
📍 En résumé pour l’éolien terrestre en France :
➡️ ~5–8 c€/kWh, variable selon le vent, le site, le financement et le taux d’actualisation.
☀️ Solaire photovoltaïque
- À l’échelle utilitaire, le LCOE se situe entre 31 et 57 €/MWh (~3,1–5,7 c€/kWh) en Europe Ministère de la Transition écologique+2Commission de régulation de l’énergie+2windustry.com+2Wikipédia.
- En France (données RFTE/ADEME 2017), les grandes installations dépassent légèrement ce chiffre :
- ~43 €/MWh (~4,3 c€/kWh) Our World in Data+15Wikipédia+15Commission de régulation de l’énergie+15.
- Sur de petites installations résidentielles françaises, les coûts sont plus élevés, entre 400 et 700 €/MWh (~40–70 c€/kWh), du fait de moindres économies d’échelle windustry.com.
📍 En résumé pour le solaire PV en France :
➡️ ~4–6 c€/kWh pour des grandes fermes ;
➡️ ~40–70 c€/kWh pour du résidentiel domestique.
📊 Tableau récapitulatif
Technologie | Coût moyen (€ / MWh) | Coût moyen (c€/kWh) |
---|---|---|
Éolien terrestre | 39 – 83 | 3,9 – 8,3 |
(France) éolien standard | ~60 | ~6 |
Solaire (grande échelle) | 31 – 57 | 3,1 – 5,7 |
(France) grand photovoltaïque | ~43 | ~4,3 |
PV résidentiel France | 400 – 700 | 40 – 70 |
🔍 Pourquoi ces différences ?
- Technologie & O&M : évolution rapide du PV, baisse des coûts des panneaux.fait moi un comparatif du prix de production pour toutes toutes les energies et dis moi combien je paye le kwh sur ma facture
- Meilleur régime de vent → réduction de 2 à 3 c€/kWh pour l’éolien.
- Effet d’échelle : grandes centrales = coûts divisés par rapport aux petits projets.
- Financement : taux d’actualisation influençant fortement le LCOE.

Voici un comparatif visuel des coûts de production par source d’électricité (en centimes d’euros par kWh) par rapport à ce que tu paies réellement sur ta facture (~25 c€/kWh, soit 0,25 €/kWh en 2024) :
💡 Lecture rapide :
Source d’énergie | Coût prod. (c€/kWh) |
---|---|
Nucléaire (France) | 5,0 |
Éolien terrestre | 6,0 |
Solaire (grandes centrales) | 4,5 |
Hydraulique (amorti) | 4,0 |
Gaz (cycle combiné) | 11,0 |
Éolien offshore | 10,0 |
Charbon | 12,0 |
Biomasse | 9,0 |
Solaire résidentiel | 50,0 |
Prix que tu paies | 25,0 (ligne rouge) |
⚠️ Ce qu’on voit clairement :
- La quasi-totalité des modes de production coûtent beaucoup moins que ce que tu paies.
- Les plus bas coûts : hydraulique, solaire à grande échelle, nucléaire.
- Ce que tu paies couvre surtout :
- L’acheminement (TURPE),
- Les taxes (CSPE, TVA…),
- La marge fournisseur,
- Et parfois… la spéculation du marché européen.