Quand les fables tuent : réquisitoire contre les mythes meurtriers
Il faut oser le dire : nous vivons encore sous l’empire de récits écrits par des hommes d’il y a trois mille ans, dans des langues mortes, sur des territoires que nous ne reconnaîtrions même plus. Ces textes — appelés Écriture, Parole divine, Révélation — ont été copiés, traduits, interprétés, canonisés, puis érigés en vérités absolues. Peu importe qu’ils aient été rédigés par des scribes anonymes, des prophètes hallucinés ou des chefs tribaux soucieux d’ordre social. Ils sont désormais intouchables.
Pourtant, ce sont ces mots anciens qui justifient, aujourd’hui encore, des morts bien réelles.
Au nom de promesses faites par un Dieu invisible à un homme invisible sur une terre qui n’avait jamais été cartographiée, on rase des villages, on bombarde des hôpitaux, on extermine des familles entières. Ce ne sont pas seulement des crimes de guerre : ce sont des crimes de croyance.
Ce qui est tragique, ce n’est pas seulement que ces textes soient discutables. C’est qu’ils soient indiscutés. Ils échappent à la critique, à l’analyse, au doute. Parce qu’ils sont sacrés. Intouchables. Sacralisés au point de servir de plan cadastral à la colonisation, de guide stratégique aux missiles, de carte du ciel pour brûler la terre.
Comment une humanité capable d’envoyer des sondes sur Mars, d’imager le cerveau humain et de cartographier le génome continue-t-elle à obéir à des injonctions rédigées à l’âge du bronze ? Comment peut-on encore en 2024 revendiquer une parcelle de terre non pas au nom du droit, de l’histoire ou de la justice, mais parce que « Dieu l’a dit à Abraham » dans un rêve ?
La religion n’est pas le problème. C’est son instrumentalisation politique.
Ce n’est pas la foi qui tue. C’est le droit divin appliqué au réel.
Nous devons en finir avec ce chantage au sacré. Aucune terre n’est promise. Seule la paix devrait l’être.
Aucune foi ne devrait servir à tuer. Aucune promesse antique ne peut effacer les droits des vivants. Aucune voix d’en haut ne devrait couvrir les cris d’en bas.