Le tribunal de commerce de Lyon doit décider ce jeudi de l’avenir de l’usine Vencorex, placée en redressement judiciaire. Les deux scénarios sont celui d’une reprise partielle par un groupe chinois, et celui de la création d’une société coopérative d’intérêt collectif bâti par des salariés.
Le groupe chimique en difficulté Vencorex retient son souffle avant une décision cruciale du tribunal de commerce de Lyon. La justice doit trancher ce jeudi 10 avril entre deux offres, l’une d’un concurrent chinois et l’autre bâtie dans l’urgence par deux de ses salariés.
Le tribunal doit rendre son verdict en délibéré sur la situation de cette société installée à Pont-de-Claix, près de Grenoble, une semaine après une audience intermédiaire le 3 avril, au cours de laquelle les deux projets ont été mis sur la table.
Les deux scénarios sont celui, annoncé de longue date, d’une reprise partielle par le groupe chinois Wanhua avec une cinquantaine d’emplois maintenus sur les 450 que comptait initialement Vencorex, et celui de la création d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), bâti en moins de deux mois par deux salariés de la CGT, Denis Carré et Séverine Dejoux, aidés par un entrepreneur local, Olivier Six.
« Un vrai projet » porté par les salariés
« Notre ambition est de créer une plateforme d’innovation chimique, de nombreuses entreprises pourraient venir s’installer sur le site et fonctionner clés en main », avait déclaré M. Six à la sortie du tribunal il y a une semaine.
« On veut arrêter la production de produits à faible valeur ajoutée. (…) Il y a vraiment un potentiel et c’est pour ça qu’on croit, qu’on sait qu’on peut faire une entreprise rentable et dynamique. On peut transformer et redonner vie à cette plateforme. On pense et on espère que dans quelques années, il y aura ici des milliers d’emplois », précise-t-il auprès de France 3 Alpes.
« C’est un vrai projet et si on nous en laisse la possibilité, on est très confiants de le mener à bout. (…) On a établi à la fois la structure du projet, mais aussi son plan de financement. On a un projet qui est viable et qui va nous permettre de sauver Vencorex, de sauver la plateforme », renchérit Séverine Dejoux.
Tous trois se sont livrés ces dernières semaines à une véritable course contre la montre pour trouver des soutiens et des financements pour leur projet, baptisé CIRCEI (Coopérative industrielle de relance Chimie Electrochimie Isocyanate).
Ces tractations semblent avoir porté leurs fruits : un industriel asiatique, dont le nom n’a pas été divulgué, s’est déclaré prêt à investir 44 millions d’euros dans le projet de SCIC s’il est validé par la justice. La région Auvergne-Rhône-Alpes a fait savoir qu’elle y prendrait part elle aussi mais n’a pas divulgué de montant.
Cela suffira-t-il à convaincre le tribunal de la viabilité de l’offre ? Les soutiens de la SCIC l’espèrent et souhaitent se voir accorder un nouveau délai de quelques semaines pour boucler leur dossier. Le suspense est donc entier, admet une des sources proches du dossier, qui dit passer par des « montagnes russes émotionnelles » avec cette affaire à rebondissements.
Soutien de l’État ?
Les porteurs du projet disent avoir besoin de 20 millions de ligne de trésorerie au redémarrage et de 120 millions d’euros à horizon 2029, et tablent aussi sur des prêts bancaires et des subventions publiques.
Interrogé mercredi matin, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a répété que l’Etat était prêt à apporter à la SCIC une aide d’un « euro d’argent public pour un euro d’argent » privé investi, tout en soulignant que selon une expertise indépendante, Vencorex aura besoin de 300 millions d’euros dans les prochaines années.
Salariés, élus locaux et nationaux mettent en garde depuis des mois contre un « scénario catastrophe » en Isère si Vencorex, qui joue un rôle central pour la chimie régionale, devait fermer l’essentiel de son activité. Selon eux, une liquidation ne mettrait pas seulement en péril les emplois directs mais des milliers d’autres dans la région en raison de l’interconnexion des activités.
Il n’y a pas 5 000 emplois qui sont en jeu. Il y en a 450.
Marc Ferracci, ministre de l’Industrieà franceinfo
Un démantèlement entraînerait en outre une perte de souveraineté pour des secteurs comme le nucléaire ou le spatial – dont certains groupes utilisent les sels produits par Vencorex – et laisserait sans solution un vaste site lourdement pollué, arguent-ils.
Mais selon le ministre Ferracci, qui avait refusé la nationalisation temporaire demandée par la CGT, « il n’y a plus de risques de souveraineté », l’approvisionnement en sel des entreprises clientes de Vencorex ayant été entretemps « sécurisé ». « Il n’y a pas 5 000 emplois qui sont en jeu. Il y en a 450″, a-t-il affirmé.
Plusieurs élus dont François Hollande, Olivier Faure et le député LR Olivier Marleix avaient écrit la semaine dernière à Emmanuel Macron pour l’appeler à se saisir de ce « dossier hors du commun » et à lever les obstacles au projet de SCIC.